Pas de sortie entomologique ce dimanche ! S'il avait plu des cordes, nous n'aurions pas eu de regrets. Non, grand ciel bleu et soleil nous ont nargués toute la journée !
Alors ce soir, en lieu et place du compte rendu attendu, un petit résumé en photos des libellules admirées ces derniers mois.
Libellules et Demoiselles
Ces splendides insectes font partie de l’ordre des Odonates – du grec odonto (dent) et gnathos (mâchoire) = mâchoire dentée, particularité anatomique de cet ordre. Ils possèdent un long corps svelte, une grande tête et la nature les a dotées d’immenses yeux proéminents composés de facettes hexagonales dissimulant chacune un minuscule organe oculaire, indépendant optiquement de ses voisins. Cette vision multidirectionnelle font des libellules (au sens large) de redoutables chasseresses. À leur menu, d’autres insectes qu’elles attrapent au vol et maintiennent entre leurs pattes épineuses, formant une sorte de corbeille.
Les longues ailes transparentes et semblables sont parcourues par un réseau dense de nervures. Le vol est souvent très rapide et étonnamment agile. Les ailes antérieures et postérieures ne sont pas couplées et peuvent battre indépendamment, elles peuvent ainsi voltiger dans toutes les directions, même en arrière !
Les libellules sont liées à l’eau, dans laquelle vivent les larves, selon les espèces en eau courante bien oxygénées, d’autres dans les mares, les étangs, les lacs, d’autres encore dans les tourbières, en eau saumâtre. Les adultes s’en éloignent pourtant parfois à grande distance, lors de leur période de maturation sexuelle ou pendant leurs heures de chasse.
Pendant les quelques semaines de leur courte vie adulte, leur principale préoccupation est de trouver l’âme sœur. Chez certaines espèces les parades donnent lieu à d’extraordinaires ballets aériens. La fête nuptiale dure plusieurs heures. L’appareil reproducteur mâle des Odonates est l’une des particularités les plus étonnantes dans le règne animal : les spermatozoïdes sont produits à l’extrémité de l’abdomen tandis que le sexe se situe au niveau du thorax, le mâle doit donc mettre en contact son appareil copulateur avec l’orifice génital avant de s’accoupler.
Lorsqu’une femelle traverse le territoire d’un mâle, celui-ci se précipite vers elle, la courtise et la saisit avec sa pince anale (le forceps) soit par la nuque soit par la tête. La figure que forme alors le couple attaché l’un derrière l’autre s’appelle le tandem. Puis la femelle replie à son tour son abdomen afin de recueillir le sperme. Les deux corps enlacés prennent alors la forme d’un cœur (cœur copulatoire).
La ponte se fait généralement aussitôt après l’acte copulatoire. On les observe donc successivement.
Les stratégies de pontes sont très différentes d’une espèce à l’autre. Chez certaines d’entre elles, la femelle pond ses œufs seule pendant que le mâle part à la recherche d’une nouvelle partenaire. Chez d’autres, ce dernier l’accompagne soit en effectuant un vol de surveillance au-dessus d’elle, soit en formant un « tandem » - le mâle maintenant la femelle par l’arrière de la tête.
L’endroit et la manière de déposer les œufs sont tout aussi variés : largués en vol ou insérés dans un support végétal. Dans le premier cas, ils seront libérés à une dizaine de centimètres au-dessus de l’eau ou directement à sa surface en y trempant le bout de l’abdomen. Dans le second cas, ils seront insérés dans la végétation des rives ou sur la végétation aquatique flottante ou immergée. Les végétaux aquatiques constituent donc une composante déterminante de l’habitat larvaire des libellules. Les larves y vivront plusieurs mois à plusieurs années selon les espèces, en se nourrissant d’autres animaux aquatiques. Jusqu’au jour où, après une dernière mue, l’émergence, elles prendront le chemin du ciel. L’émergence est une période de grande vulnérabilité : immobile et fragile, la libellule est alors une proie facile, particulièrement pour les passereaux. En été, on trouve fréquemment des exuvies sur la végétation au bord des mares et des cours d’eau.
En Europe, les Odonates sont divisées en deux sous-ordres : les Zygoptères qui regroupent les Demoiselles, insectes au corps fin et élancé, au vol léger et papillonnant, qui doivent leur nom scientifique (« ailes jointes ») au fait qu’elles replient leurs ailes au-dessus du corps quand elles sont posées (à l’exception des Lestes) et les Anisoptères (« ailes différentes », ailes antérieures moins larges que les postérieures) qui se reconnaissent facilement à leur grand corps trapu et leurs ailes étendues au repos, et que l’on nomme souvent Libellules pour les distinguer des Demoiselles. Leur vol est rapide et puissant.
La raréfaction des libellules est un fait avéré. Commencée depuis longtemps, elle s’est accélérée avec le développement économique et industriel de l’Europe occidentale. Les causes en sont multiples : altération et disparition des habitats, pollution des eaux, élimination des ripisylves naturelles, changements climatiques. La Liste rouge européenne considère ainsi qu'en Europe 15% des espèces d’Odonates sont menacées d’extinction.
Avec 93 espèces autochtones d’Odonates, la France possède la plus grande richesse spécifique d’Europe, dont sept espèces franco-ibériques qui ne vivent nulle part ailleurs. Parmi ces espèces, 11 sont protégées à l'échelle européenne, au titre de la directive Habitats.
En images, quelques Libellules et Demoiselles, parmi les plus communes, observées dans notre département.
1. Un Leste vert Chalcolestes viridis (Vander Linden, 1825)
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