Bien sûr, une bonne journée botanique ne peut se passer sans une polémique. Rassurez-vous, il y en eu plusieurs. Je vous laisse Daniel vous raconter sa mauvaise foi légendaire, tant il s'illustra avec Phleum et phleoides. De mon côté, je vais vous entretenir des glaïeuls, en tentant de m'inspirer de Daniel (ce sera difficile, j'en conviens).
Tout a commencé la semaine dernière, quand je me moquais des critères utilisés par Patrice pour déterminer les Gladiolus, et que nous avons longuement discuté de l'interprétation du terme « tépale rhomboïdal ». J'avais sur ce coup le soutien de Daniel qui s'est mollement éclipsé ensuite. Nous sommes toutefois convenus que « rhomboïdal » signifie losangique, avec des angles, et qu'aucun Gladiolus de la région ne répond à une telle description. Pour moi, l'affaire était close, pas de Gladiolus dubius.
D'après le Larousse, « rhomboïdal : Se dit de certains polyèdres, de certains solides dont les faces sont des parallélogrammes ». Je dormais donc tranquille et ma conviction reposait sur des glaïeuls que Patrice et moi avions-vus l'an dernier en Aude, avec des tépales nettement rhomboïdaux et des fleurs bien différentes de celles que nous connaissons ici.
C'était sans compter sur la ténacité de Patrice. J'aurais dû m'en douter lors d'une visite en solitaire à Castelnau-de-Guers : tous les glaïeuls étaient littéralement dépiautés sur pieds, déssaisis de leur tépale latéral, et des étamines. La seule bête connue capable de commettre un tel carnage sélectif est le « Badaud », qui ne badine pas avec les critères. L'animal a avoué avoir regardé tous les glaïeuls pour mettre en corrélation les critères.
C'est ainsi que dès le premier faux-pas, quand je m'aventurai à clamer « bah non, ce n'est pas un gladiolus dubius mais bien un italicus », une avalanche de détails concernant l'interprétation des critères nous est tombée dessus. Avec mon « mais ceux de l'Aude ne sont pas du tout pareils » j'avais l'air ridicule.
Cet épisode hautement Ambhhcien trouve donc sa conclusion : hier, au moins, nous avons bel et bien vu les deux glaïeuls et on peut se fier aux critères suivants (reformulés par mes soins, on ne se refait pas) :
• tépale latéral constitué de
- deux parties distinctes, un onglet linéaire et un limbe losangique (rhomboïdal) : Gladiolus dubius
- une seule partie, le limbe décroissant presque régulièrement vers une sorte de pédoncule large (spatulé) : Gladiolus italicus.
Précisons qu'il n'est pas besoin d'arracher le tépale, mais qu'il faut bien se placer pour apprécier la forme exacte dudit tépale. Même avec un soupçon de mauvaise foi, cela se voit (en général).
• étamines et anthères (si elles sont fertiles donc pleines de pollen)
- courtes (plus courtes que le filet) : Gladiolus dubius
- anthères longues (plus longues que le filet) : Gladiolus italicus.
Cette fois, il est plus prudent d'ouvrir la fleur (et donc de la massacrer) car le filet naît de la base de la fleur. On peut estimer sa longueur sans ouvrir la fleur, cela suffit pour les cas nets. Attention, chez : Gladiolus italicus les anthères sont souvent stériles et alors réduites.
On peut ajouter un critère moins fort, généralement 4 feuilles chez Gladiolus italicus et 5 chez Gladiolus dubius.
À l'allure, on peut suspecter Gladiolus dubius quand les fleurs sont plutôt rouges que rose et très ouvertes de face.
Je vous mets en avant-première par rapport au compte-rendu une photo de Gladiolus dubius montrant bien la plupart des critères : tépale latéral en deux parties distinctes, limbe losangique ; anthères courtes ; couleur rouge ; fleur évasée.
Si quelqu'un veut faire une fiche avec les critères par colonnes, qu'il ne se gêne surtout pas !
On peut ajouter histoire d'avoir le bémol nécessaire que les deux espèces Gladiolus dubius et italicus regroupent d'anciennes espèces, et qu'il faut s'attendre à trouver des intermédiaires…