Messieurs, mesdames, honneur à la menthe pouillot :
Ceux qui m’ont vu ce jeudi avec une brassée de menthe pouillot à la main auraient pu présager d’une probable réflexion sur celle-ci. Ce qui a achevé de me convaincre est une délicate tisane réalisé avec la plante fraiche et du miel, mise au frais et consommée dans la même soirée. La menthe pouillot a une saveur glacée fort agréable et bien d’autres propriétés comme nous allons le voir.
Mentha pulegium, pouillot royal, herbe de saint laurent, herbes aux puces, pennyroyal, fliou (flyou), elle est spontanée en Europe, dans l’ouest de l’Asie et le nord de l’Afrique [1]. Mentha, nom dérivé d’une nymphe que proserpine transforma en plante et pulegium viendrait du latin pulex, puce, d’où herbes aux puces de par sa forte odeur aromatique utilisé pour les chasser [2]. Pulex en grec est aussi polios, gris-blanc-brillant.
Plante vivace à rhizomes, de 10 à 60 cm de haut, aux tiges feuillées, quadrangulaires, pubescentes, étalées ou couchées qui émettent très facilement des racines adventives à la face inférieure des nœuds. Les tiges florifères sont plus ou moins dressées. Les feuilles sont opposées, petites, ovales presque entières, crénélées et munies d'un court pétiole. Les fleurs, qui apparaissent de Juillet à fin Septembre, sont rose lilas parfois blanches et sont groupées à l'aisselle des feuilles en glomérules échelonnés le long de la tige. Les fruits sont des akènes [1,3]. La menthe pouillot se retrouve dans les milieux humides, acidophile pour Guy Gilly et plutôt basophile pour Tela botanica, mais bien une hygrophyte.
A l’instar de nombreuses plantes à cueillir, il existe généralement des semblables aux propriétés parfois similaires mais parfois contraires, ce qui peut être gênant voire plus. Dans notre cas, le constat est édifiant avec Preslia cervina. La différence est d’une part dans les feuilles plus lancéolées et fines que la Pulegium, et dans les glomérules, des sépales à cinq dents avec un faisceau de poils dans le calice pour la Pulegium contre quatre pour la Preslia (référence : le badaud). N’en déplaise à certains prétendant en bonne conscience que le ramassage des plantes est un exercice à la portée de tous avec un bon guide entre les mains. Cela reviendrait à croire que chacun a l’exigence de se former et de comprendre avant d’agir ; je ne suis pas de cette pensée-là . Pour ajouter à la confusion, il existe une variété de Mentha pulegium var eriantha Holm en Andalousie, la menthe pulegium villosa du maroc, et la pennyroyal cultivée aux USA est une mentha pulegioïdes [3].
D’un point de vue culinaire, elle aromatise les sauces, confiseries, les desserts et les boissons. Elle est à la base du ragoût de blé au fliou ou le Batata bel fliou, plat algérien [4]. Elle est considérée insectifuge, en cela, une friction de tisane sur le pelage des domestiques en début de contamination est citée, comme des sachets dans les lits qui éloigneraient les bêtes, en plus de répandre une odeur mentholé sauvage [5,6]. Une recette est indiquée : Préparez une poudre miracle et odorante à base de menthe : Mixez 56g de feuilles de menthe pouillot, 28g d'armoise, 28g de thym et une cuillère de poivre de cayenne. Saupoudrez le pelage de cette mixture. Il est aussi possible de mettre quelque goutte d’huile essentielle sur le collier.
La mentha pulegium est reconnu carminative, stomachique, antiseptique, béchique, diaphorétique, antifongique, antispasmodique et emménagogue. Elle est riche en menthone et en menthol, est cultivé pour cela, et possède entre 55 à 75 % de pulégone jusqu’à 95 % dans certains cas [7]. Sa richesse en menthone serait proportionnelle avec l’âge [8]. En phytothérapie, elle est utilisée pour faciliter la digestion et l’élimination, et dans des cas de dyspepsies. En compresse, elle soulagerait les maux de têtes. Elle est aussi mentionnée par Cazin pour l’asthme et les bronchites où elles dégageraient les voies respiratoires (menthol) [11]. Traditionnellement, elle était employée et très apprécié dans la médicine ancienne d’avant la renaissance : en couronne autour de la tête, elle protégeait des maux de têtes et des vertiges [12]. Elle était employée pour des maladies inflammatoires des yeux [10]. Son usage en aromathérapie reste très ambigu voir à déconseiller. Elle est neurotoxique et abortive [1,6,7,9]. Sa forte teneur en pulégone de la famille des cétones en fait une huile à utiliser qu’avec de grandes précautions, voir à éviter en interne. A des doses réduites, elle peut passer de tonifiantes à neuroleptiques [9]. Son action emménagogue a été utilisée pour favoriser les règles et l’avortement selon Haller [6,9, 10]. Elle est interdite pour les femmes enceintes, pendant l’allaitement et les jeunes enfants. L’huile de menthe poivrée, Menthe piperita, lui est largement préféré.
En conseil, je serai simple, préférez la menthe pouillot en tisane à raison d’une cuillère à soupe par tasse après les repas. Glacée et sucrée avec du miel ou du sirop d’agave et quelques gouttes de citron, elle sera bien rafraichissante après vos ballades botanesques. Elle aromatisera aussi merveilleusement votre taboulé.
Bon soin naturel.
Pour ceux qui veulent en savoir plus, quelques références ci-dessous :
1.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Menthe_pouliot 2. Couplan François. Les plantes et leurs noms, histoires insolites. 2012
3. Guy Gilly. Les plantes aromatiques et huiles essentielles à Grasse. 2005
4.
http://www.evasion-culinaire.com/article-42551986.html 5.
http://www.menthe-bio.com/menthe-biologique/pouliot-antioxydant-naturel-puissant/6.
http://www.memoireonline.com/03/12/5518/m_Atlas-des-risques-de-la-phytotherapie-traditionnelle-tude-de-57-plantes-recommandees-par-les-he36.html7. Pierre franchomme, Roger Jollois, Daniel Pénoël. L’aromathérapie exactement. 2001
8. Plantes médicinales du monde, croyances et réalités. Bernard Boullard.2001 ,page 348.
9.
http://www.chu-montpellier.fr/publication/inter_pub/R522/A7288/Lesrisquesdesplantesmedicinales.pdf10.
http://www.menthe-bio.com/menthe-biologique/pouliot-antioxydant-naturel-puissant/11. J.F Cazin. Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes, 1868, troisième édition.
12. Frédéric Cuvier. Dictionnaire des sciences naturelles, volume 30. 1824, page 45.