COMPTE RENDU DE DANIEL F.
Le Bartas puis le col du Coustel (commune de Castanet-le-Haut)
Comme vous n’allez sûrement pas vouloir perdre du temps pour aller chercher la signification du mot ʺbartasʺ, je m’autorise à vous la servir toute chaude, prête à ingérer. En occitan, barta = buisson, broussaille ici, le mot est complété du suffixe augmentatif às donc, il s’agit d’un gros fourré, d’un hallier touffu avec beaucoup de ronces. Cette introduction atypique m’est utile pour vous expliquer que le site de notre herborisation du matin était sensiblement plus difficile que ce que les anciens de l’association avait gardé en mémoire. Cet endroit est, en effet, comme quelques autres dans notre arrondissement (le mont Cabannes, la Clape, Vendres-plage …) et ses environs ce que l’on pourrait appeler un site historique, un lieu tabou. Il a en plus, par rapport à tous les autres, l’avantage décisif d’être le premier, paradoxalement car il dépasse les 800 m, à la floraison abondante dès la sortie de l’hiver. Nous avons plaisir à y revenir, à intervalles de quelques années, pour y retrouver cette explosion localisée de fleurs alors que pendant la longue montée en voiture pour l’atteindre on ne croise pas le moindre pétale. C’est une sorte d’oasis au milieu des versants encore engourdis de froid des montagnes tout autour. Pour un botaniste, jeune ou vieux, récent ou ancien c’est l’annonce indubitable que le printemps est en train d’arriver et avec lui la promesse de maintes découvertes toutes plus colorées les unes que les autres. Malheureusement, d’année en année, la forêt arrive à l’âge optimum de sa valeur économique et, pour celle qui nous intéresse, les bûcherons étaient passées avant nous, laissant d’importants enchevêtrements de bois-morts à la place des futaies que nous admirions. C’est une constatation navrante mais pas une critique, bien sûr. Heureusement, les clochettes blanches des perce-neiges (Galanthus nivalis) étaient bien là , en grand nombre, accompagnées de place en place par les délicates corolles bleues des scilles à deux feuilles (Scilla bifolia). Une merveille !
Evidemment, il a fallu plusieurs fois ʺbartasserʺ parmi les branches laissées à terre mais qui s’en étonnerai, en y réfléchissant, dans ce lieu-dit prédestiné dénommé le Bartas ?
Après avoir étanché notre soif spirituelle, nous avons rassasié, directement sur zone, notre microbiote gastro-intestinal. A ce sujet, je poserai juste une question.
« Cinq sortes de chocolats, n’est-ce pas un peu trop ? »
Si la réponse est non, j’enchaînerai en précisant ma pensée.
« Même quand on a déjà mangé, en plus de ses victuailles, 3 parts de gâteaux ou de quiches ? »
Je vous laisse juge mais plusieurs participants ont déjà voté, ce jour là , avec leur estomac ce qui laisse de la marge pour mes Super Janot dont j’ai enfin réussi à reconstituer les stocks, qu’on se le dise.
Après ces difficiles mais agréables travaux pratiques, Guy, notre guide, nous a entraîné vers l’Aveyron. Il nous a fait stopper deux kilomètres avant la frontière pour nous extasier, en urgence absolue (cf. la photo intitulée ʺ sur la route de l’Aveyron ʺ), sur les pieds d’Erythronium dens-canis en pleine anthèse. Lors de cette seconde étape nous avons commencé à voir les premières touffes de Saxifraga fragosoi malheureusement à l’état végétatif. Il faut être raisonnable, toutes les plantes ne peuvent pas être en fleurs au début mars.
Il nous a, ensuite, amené jusqu’au col du Coustel (c’est un des très rares endroits en France, avec la pointe du Raz et le Cap Corse, où le vent souffle sans discontinuer, je trouve que nos offices de tourisme n’en font pas assez la publicité). Là , à 20 cm de la limite des deux départements mais toujours côté 34, dans un coin de terrain grand comme une tielle nous avons trouvé plusieurs Gagea bohemica, des feuilles un peu ratatinées par le gel d’Armeria arenaria ssp arenaria (= Armeria plantaginea) et des frondes complètement cuites par le même gel d’Asplenium septentrionale !
Hardiment, notre chef n’a pas hésité, après un demi tour plein de bon sens car il nous tirait sains et saufs de cette dangereuse impasse météorologique, à nous ouvrir la route vers Arnac-sur-Dourdou où, bien avant d’y arriver et après quelques tâtonnements, nous avons réussi à trouver le lopin de forêt montré, plusieurs années auparavant, par Jacques Salabert comme produisant l’excellentissime hygrophobe de mars (= Hygrophorus marzuolus). Personnellement, je n’en ai jamais goûté mais je me réfère aux commentaires dithyrambiques des mycologues qui nous accompagnaient. Hélas, ce n’est pas encore ce coup-ci que je pourrai en parler en connaissance de cause. Les équipes de fins limiers lancées sur sa piste on fait chou plus blanc que blanc (cf. la photo titrée ʺ sur la route de l’Hérault ʺ). Sans mettre en doute la parole de Jacques, je m’interroge sur la pertinence de chercher un champignon dans un bois de feuillus implantés sur du gneiss alors que de nombreux sites sur le web annoncent qu’il préfère le calcaire et les résineux !!? Peut-être n’est-ce qu’une manœuvre de diversion pour éloigner les chercheurs concupiscents…
Ce circuit à étapes n’était pas encore fini puisque Guy, sur le trajet du retour, nous a regroupé sur le parking attenant à l’église Saint-Amans-de-Mounis pour nous remontrer, dans les fourrés voisins, les mêmes fleurs que celles du premier arrêt matinal. Il a pu ainsi contrôler que les participants en avaient bien retenu les noms latins et que la boucle était bien bouclée. Cet examen blanc réussi les participants furent autorisés à partir. Apparemment, tous ont une bonne mémoire puisqu’en deux minutes les voitures avaient disparu.
Toutes sauf une moitié (cf. la photo ʺ demi voiture ʺ) qui était déjà présente, garée contre le mur du cimetière, à notre arrivée. Ce genre d’objet déclenche en moi, instantanément, des visions fantastiques. Sur ce coup-là , j’ai imaginé un divorce qui tourne mal. Les deux conjoints se déchirent pour le partage, au sens strict, des biens de la communauté. La demi voiture en est un des résultats. Sans aucun doute, je peux même écrire que cette partie appartient à monsieur car c’est celle qui a le volant.
Seuls, notre voiture et donc ses occupants se retrouvent face à leur destin. Comme il est encore un peu tôt dans l’après-midi et que nous sommes vraiment près du Tarn, je propose une dernière virée avec pour objectif d’aller vérifier, dans ce département béni des dieux, si les Scilla lilio-hyacinthus sont en fleurs alors que dans l’Hérault, elles ne le sont pas. Aussitôt dit, aussitôt fait, nous nous retrouvons, sans attendre, juste de l’autre côté du pont qui enjambe le Dourdou, limite des deux départements, pour une rapide recherche. C’est une des premières sorties que j’ai réalisée avec l’AMBHHC quand j’en suis devenu adhérent. A l’époque, Robert Engler nous avait montré une petite station de lichen Lobaria pulmonaria plaqué contre l’écorce de deux arbres le long du chemin. Il avait ajouté que cette espèce est un bon marqueur de la qualité de l’air, ce qui ne m’avait pas étonné compte tenu de notre localisation administrative. Nous avons retrouvé l’espèce mais elle n’est plus porté que par un seul arbre ce qui, en clair, signifie que les miasmes venus de l’Hérault sont en train de polluer l’air des tarnais ! D’ailleurs, pour preuve, les scilles lis-jacintes n’étaient pas plus avancées que leurs voisines du Bartas…
Dire que les candidats à la présidentielle n’ont inclus aucune mesure dans leur programme pour stopper ce désastre ! C’est sur ce constat amer que nous avons tourné bride pour rejoindre nos foyers.
Daniel F.
P.S. :
1 - Yvonne rassure-toi, j’ai aussi remarqué que mes comptes rendus sont de plus en plus longs. Dès le prochain dont je serai l’auteur, j’inverserai la tendance.
2 – Pour les nouveaux adhérents, je précise qu’Yvonne collecte dans un classeur annuel tous les textes relatant nos sorties. C’est grâce à elle et ses prédécesseurs que la mémoire de l’association est préservée et vivante.
Le Bartas puis col du Coustel (commune de Castanet-le-Haut)
« Le Bartas », le long du ruisseau :
Galanthus nivalis
Scilla bifolia
Vinca minor
Helleborus foetida
Galium molugo
Veronica hederifolia
Veronica persica
Corydalis solida
Urtica urens
Plantago lanceolata
Dipsacus fullonum
Cytisus scoparius
Hedera helix
Arum italicum
Euphorbia characias
Mercurialis perennis
Conopodium majus
Hypericum perforatum
Pteridium aquilinum
Lonicera xylosteum
Lilium martagon
Primula veris
Aquilegia vulgaris
Euphorbia amygdaloides
Scilla lilio-hyacinthus
Helleborus viridis
Arabis turrita
Daphne laureola
Alliaria petiolata
Potentilla micrantha
Hyoscyamus niger
Adoxa moschatellina
Clematis vitalba
Achillea millefolium
Juncus effusus
Anthriscus sylvestris
Acer monspessulanum
Rubus idaeus
Arbres :
Fagus sylvatica, Buxus sempervirens, Ilex aquifolium, Fraxinus excelsior, Abies nordmanniana et grandis , Corylus avellana, Picea abies, Prunus spînosa, entre les deux (le long du talus ouest du CD 53) :
Le col du Coustel :
Erythronium dens-canis
Saxifraga fragosoi
Polypodium vulgare
Asplenium trichomanes ssp quadrivalens
Asplenium sp
Armeria arenaria ssp arenaria
Gagea bohemica
Asplenium septentrionale
Plantago lanceolata
Cytisus oromediterraneus
Cytisus scoparius
Scilla bifolia